« Je plaide non coupable » est le titre du huitième livre de l’écrivain Benoît Moundélé-Ngollo. Tout au long de ses 285 pages rédigées par l’auteur dans le style littéraire dont il est le père et qu’il a, provisoirement, dénommé Snoprac, signifiant Style qui N’Obéît Pas Aux Recommandations Académiques Classiques, l’ouvrage est meublé dans un tribunal. L’auteur y est jugé pour les faits d’attaques ad hominem, de diffamation, d’atteinte à la vie privée d’autrui et d’utilisation permanente d’un style littéraire non courant.
La vraie victime ici c’est moi
Une fois la cour en place, dès sa première prise de parole à la barre, l’accusé qui pourfend les anti valeurs et à qui certains reprochent de s’en prendre à des personnes dans ses écrits, rejette ces accusations. Il prétend que ce sont ses accusateurs qui prennent des visages de certaines personnes et les imposent aux personnages fictifs de ses ouvrages.
« Lorsque des lecteurs et des lectrices,
En lisant mes livres,
Y débusquent souvent, sinon toujours, d’après eux,
Des personnes connues de moi ou d’eux dans la cité,
Tout en les citant nommément avec des convictions obstinées,
-voire inébranlables-
Donnant ainsi un sens étriqué, fantaisiste et trop orienté,
Ne correspondant pas à ma vision des choses et du monde :
Je plaide non coupable ».
Dans les pensées du jour, après avoir cité Erik Orsenna et Beaumarchais, par le biais de Paul Aron et ses collègues, le prévenu Moundélé-Ngollo déclare :
« On n’est pas intellectuel parce que,
On est docteur en Sorbonne, d’Oxford ou de Harvard,
-Mais-
On est intellectuel parce que,
Appartenant à une société des gens de lettres,
On combat les préjugés et on agit en faveur du progrès,
En prenant le risque de refuser l’intolérable ».
Concernant sont style d’écriture, il précise :
« Dans ma manière d’écrire, je me préoccupe
-Beaucoup plus-
Des problèmes que je soulève,
Que de la manière qui conviendrait
Pour les exposer par écrit.
En réalité, pour tout dire,
Je me préoccupe beaucoup plus du fond
Que de la forme qui convient
Pour s’exprimer par écrit ».
Droit dans ses bottes, ce général de division enfonce le clou. Parlant des Caractériels-Psychorigides, il lâche :
« Sans le Pouvoir et l’Argent, on les dit « invivables ».
–A cause de leur Ego trop prononcé–
Détenant le Pouvoir et l’Argent, la plupart du temps,
–De manière illégale–
Ils deviennent « vivables » comme par enchantement,
–Très vivables même, aux yeux de certains–
Parce que abusant de leurs nouveaux atouts,
Ils n’ont plus d’oreilles que pour entendre des louanges.
Les Caractériels-Psychorigides ne savent pas
Que beaucoup de leurs adeptes,
Femmes comme hommes,
…s’arrangent toujours auprès des tailleurs,
Pour coudre lesdits pagnes, en mettant au moins,
–Une image d’eux, en face des fesses– »
Ceux qui estent en justice maintiennent leurs accusations
Le mis en examen risque une condamnation ainsi que la révocation de la société des gens de lettres. Il joue son va-tout dans une salle comble. Puis vient le tour des avocats qu’il a sollicité. Parmi ses défenseurs, des gens d’églises, des écrivains, des femmes distinguées comme Josiane Cointet et Chara Agneboult et un frère d’armes. Tout ce beau monde, réunit dans une longue plaidoirie, va peindre un tableau élogieux du mis en cause. Et lorsque l’un des magistrats leur fait remarquer que Moundélé-Ngollo a parfois des écrits qui dérangent, certains répondent que c’est un mal pour un bien.
Prenant la parole à son tour, Patrick Migisho de Kisantou en République démocratique du Congo, se tournant vers son client atteste :
« Le style à la fois simple et attrayant,
Que vous utilisez, laisse toujours le lecteur,
Sur sa soif de lecture…
–Ensuite–
L’abord des réalités de la vie quotidienne,
Les thématiques de vos livres sont aussi fascinants
Que les mots qui les traduisent.
En vous lisant, je suis en contact direct
Avec la réalité et en plein
Dans la scène qui est racontée ».
Les auteurs de l’action en justice ne sont pas cités
L’on est en droit de se demander si les griefs portant sur le Snoprac ont vraiment lieu d’être lorsqu’on pense au spiralisme de l’écrivain haïtien Franketienne. Une manière d’écrire qui associe le roman, la poésie, les contes, les proverbes et le théâtre. L’haitien pense que « né dans le contexte de l’épanouissement de la société bourgeoise, le roman est inapte à rendre compte des bouleversements de tous genres qui affectent le monde actuel. Les métamorphoses que subit notre époque ne peuvent être appréhendées que par une écriture en perpétuel éclatement ».
Soutenant même son légalisme, son conseil Éveline Mankou rappelle au tribunal ce que l’auteur avait dit qu’il ferait s’il était « président de République », dans son précédent ouvrage « Fantasmons ensemble un instant dans un Snoprac ».
« … Je chercherais à me faire élire démocratiquement,
-Sans aucune tricherie-
Pour une période définie d’avance,
-5 ans par exemple-
Passée cette période, je me retirerais,
Sans chercher à briguer d’autres mandats ».
Pour sa part, avant de terminer son propos en le regardant dans les yeux, Marie Grace Bagouma l’encourage :
« Soyez sans crainte, votre blé a assez de force
Pour grandir sans être étouffé par l’ivraie
Le doute n’est parfois qu’un revers de la foi
–Disent les Écritures– »
En attendant que le doute profite à l’accusé, comme on le dit couramment, au fur et à mesure que les pages défilent, on a tout de même l’impression d’être dans un procès bien étrange. Les victimes et les défenseurs des parties civiles n’ont pas été entendus. Et au moment où le procès de l’écrivain Benoît Moundélé-Ngollo tire à sa fin, au bout de ces pages d’audiences, alors que nous sommes en attente du verdict à l’issue du délibéré, nous ignorons toujours les identités des plaignants.
Franck CANA
« Je plaide non coupable » de Benoît Moundélé-Ngollo, essai, éditions l’Harmattan, 285 pages, 21 euros. L’auteur présentera son ouvrage au public le samedi 26 avril à 15h30 dans la salle des conférences de l’hôtel Marriott Rive Gauche à Paris 14eme.
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